Le marché de l'investissement locatif évolue vite, et une nouvelle catégorie d'actifs attire discrètement les investisseurs avertis : les parkings équipés de bornes électriques. Alors que les ventes de véhicules électriques ont franchi la barre des 300 000 immatriculations en France en 2024 selon l'Avere-France, une question se pose légitimement : sommes-nous à l'aube d'une opportunité majeure ou face à un effet de mode surévalué ?
La dynamique est frappante. Les parkings avec bornes se louent aujourd'hui 20 à 40% plus cher que les places classiques dans certaines métropoles. Pourtant, l'offre reste limitée : seulement 12% des places de parking privées en France disposent d'une infrastructure de recharge, selon le baromètre 2024 de l'Avere. Cet écart entre demande explosive et offre restreinte crée-t-il une fenêtre d'opportunité avant la généralisation de ces équipements ?
Cet article analyse le timing de marché, décrypte l'évolution de l'offre et de la demande, et projette trois scénarios possibles à 5-10 ans pour vous aider à prendre votre décision en connaissance de cause.
La demande explose : les chiffres qui donnent le tournis
Les faits sont têtus. La part de marché des véhicules électriques et hybrides rechargeables atteint désormais 27% des ventes de voitures neuves en France au premier trimestre 2025, selon les données de la Plateforme Automobile (PFA). Pour contextualiser : ce chiffre était de 12% en 2021, soit une multiplication par 2,25 en quatre ans seulement.
Cette progression fulgurante crée mécaniquement une pression inédite sur les infrastructures de recharge. Le gouvernement français s'est fixé comme objectif d'atteindre 100 000 points de recharge publics d'ici fin 2025 (actuellement environ 85 000 selon Avere-France), mais ces bornes publiques ne règlent pas le problème central : 80% des recharges se font à domicile ou au travail, selon une étude de l'ADEME publiée en 2024.
Concrètement, cela signifie qu'un propriétaire de véhicule électrique vivant en ville cherche prioritairement un parking privé équipé. Et cette population ne va faire que croître : l'Union Européenne a acté l'interdiction de vente de véhicules thermiques neufs dès 2035. Autrement dit, tous les nouveaux conducteurs dans 10 ans rouleront électrique ou hybride.
Dans les grandes métropoles, les premières tensions apparaissent déjà. À Paris, Lyon ou Bordeaux, les annonces de parkings avec bornes affichent des délais de location inférieurs à 5 jours en moyenne, contre 18 jours pour les places classiques selon les données de plateformes spécialisées. Certains propriétaires témoignent de listes d'attente pour leurs places équipées.
À retenir La demande de parkings avec bornes croît 3 à 4 fois plus vite que l'offre disponible dans les métropoles. Cette tension crée une opportunité de valorisation pour les investisseurs qui se positionnent tôt.
L'offre reste ultra-limitée : pourquoi si peu de parkings équipés ?
Si la demande flambe, pourquoi l'offre ne suit-elle pas ? Plusieurs freins structurels expliquent cette rareté.
Le coût d'équipement initial freine les propriétaires existants. Équiper un parking classique d'une borne représente un investissement de 1 500€ à 4 000€ selon la configuration (voir notre article détaillé sur les coûts réels). Beaucoup de petits propriétaires, qui possèdent une ou deux places en complément d'un bien principal, rechignent à débourser cette somme sans garantie de rentabilité rapide. Résultat : seuls les investisseurs les plus informés passent à l'action.
Les contraintes techniques en copropriété bloquent de nombreux projets. Dans l'ancien, installer une borne nécessite l'accord du syndic, le passage de câbles dans les parties communes, parfois le renforcement du tableau électrique général. Ces démarches administratives et techniques découragent, même si le "droit à la prise" institué par la loi depuis 2021 facilite théoriquement les choses. Sur le terrain, les délais peuvent atteindre 6 à 12 mois entre la décision et la mise en service.
Les promoteurs immobiliers restent timides sur le neuf. Seuls 35% des programmes immobiliers neufs intègrent des bornes électriques dans leurs parkings selon une enquête réalisée en 2024 par le cabinet In Extenso. Pourquoi ? Les promoteurs répercutent le surcoût (environ 2 500€ par place) sur le prix de vente, ce qui peut freiner les acquéreurs. Beaucoup préfèrent encore proposer des parkings "pré-équipés" (avec infrastructure électrique prête) plutôt que des bornes installées.
Cette inertie de l'offre crée une fenêtre d'opportunité temporaire pour les investisseurs capables d'agir maintenant. Mais attention : cette fenêtre ne restera pas ouverte indéfiniment.
Les loyers grimpent : la prime électrique en chiffres
Les premiers chiffres de marché confirment un écart de loyer significatif. Selon les données compilées sur les principales plateformes de location de parkings (ParisParking, MonsieurParking, Zenpark), un parking avec borne se loue entre 20% et 45% plus cher qu'une place équivalente sans équipement.
Quelques exemples concrets relevés en mars 2025 :
Paris 11ème : parking classique 120€/mois, avec borne 165€/mois (soit +37%)
Lyon Part-Dieu : parking classique 95€/mois, avec borne 130€/mois (soit +37%)
Bordeaux centre : parking classique 80€/mois, avec borne 110€/mois (soit +37%)
Toulouse Capitole : parking classique 75€/mois, avec borne 95€/mois (soit +27%)
Cette prime reflète un déséquilibre net entre offre et demande. Mais elle pose une question cruciale pour l'investisseur : est-elle durable ou va-t-elle se réduire avec la généralisation des équipements ?
Les professionnels du secteur anticipent une convergence progressive des loyers d'ici 5 à 7 ans, lorsque 40 à 50% des parkings seront équipés. À ce stade, la borne deviendra un "standard" plutôt qu'un "plus". Néanmoins, même dans ce scénario, les parkings équipés conserveront probablement une prime résiduelle de 10 à 15% liée à la qualité de l'infrastructure (puissance de charge, système de paiement intégré, etc.).
Pour un investisseur qui se positionne aujourd'hui, cela signifie : profiter de la prime maximale pendant 5 ans, puis d'une prime réduite mais pérenne ensuite. Un calcul de rentabilité doit intégrer cette décroissance progressive.
Les trois scénarios possibles d'ici 2030-2035
Pour évaluer le timing d'investissement, projetons-nous avec trois scénarios réalistes basés sur les dynamiques actuelles.
Scénario 1 - "Boom rapide" (probabilité : 30%) L'État accélère les incitations fiscales et obligations réglementaires. Dès 2027, toute construction neuve doit intégrer 100% de places équipées (contre 50% aujourd'hui dans certaines zones). Les aides à l'équipement de l'ancien sont renforcées. Résultat : l'offre explose rapidement, la prime électrique se réduit fortement dès 2028-2029. Les investisseurs ayant acheté en 2025-2026 profitent d'une fenêtre de forte rentabilité de seulement 3-4 ans, puis les loyers se normalisent. Ce scénario favorise les investisseurs court-termistes qui revendront avant la convergence.
Scénario 2 - "Croissance progressive" (probabilité : 50%) Le marché suit une évolution linéaire. L'équipement des parkings progresse au rythme actuel d'environ 3-4 points par an. En 2030, 30 à 35% des places sont équipées, et 50% en 2035. La prime électrique se maintient entre 20 et 30% jusqu'en 2028, puis décroît progressivement vers 10-15% en 2032-2033. Les investisseurs profitent d'une période de surperformance de 7 à 8 ans, suivie d'une rentabilité normalisée mais toujours supérieure aux parkings standards. C'est le scénario le plus probable selon les experts du secteur immobilier.
Scénario 3 - "Disruption technologique" (probabilité : 20%) Une rupture technologique change la donne. Batteries à recharge ultra-rapide (5 minutes), généralisation du sans-fil par induction, ou explosion de services de recharge mobile qui viennent recharger votre voiture où qu'elle soit garée. Ces innovations réduisent drastiquement l'intérêt d'une borne fixe dans chaque parking. La prime électrique s'effondre dès 2027-2028. Les investisseurs qui ont surinvesti dans l'équipement subissent une dépréciation. Scénario minoritaire mais à ne pas écarter totalement.
Concrètement, le scénario 2 (croissance progressive) reste le plus crédible selon les analystes. Il offre une fenêtre d'opportunité réelle de 6 à 8 ans pour les investisseurs qui se positionnent maintenant, avant une normalisation progressive.
